Les contributions au colloque sont disponibles dans les enregistrements « audio » et le fichier « .pdf » en fin d’article, avant les photographies.
Réunissant une quarantaine de personnes, le colloque a été ouvert par Monsieur Louis NÈGRE, maire de Cagnes sur mer. Il a souligné le rôle de vigie qu’un organisme comme l’Université Internationale de la Mer doit jouer sur des sujets importants, comme celui abordé ce jour sur les migrations.
Puis le maire et la présidente du colloque Madame Michèle GENDREAU-MASSALOUX ont rendu hommage à Madame Jacqueline AUBERT, récemment décédée, fondatrice de l’UIM aux côtés de son époux.
Pour comprendre les dynamiques des migrations au niveau local, on s’est d’abord penché sur l’expérience du Cros de Cagnes, dont l’histoire a été présentée par Madame Isabelle PINTUS. Le Cros de Cagnes a été fondé au début du XIXème siècle par une communauté de pêcheurs venant de Naples et de Menton (alors ville italienne), qui ont trouvé sur ce littoral une eau poissonneuse, bénéficiant des apports telluriques du Var dont l’embouchure est située à quelques kilomètres dans l’est. Attirant des habitants des villages à l’entour, cette communauté a construit et affirmé son identité en se distinguant du « haut de Cagnes » où se situaient les édiles de la commune. La pratique et la culture de la pêche ont été entretenues jusqu’à aujourd’hui faisant du port du Cros un des sites de pêche les plus actifs de la Côte d’azur, même si les volumes de prises ont sensiblement diminué au fil des années. Ainsi, en soi, le Cros de Cagnes est-il une illustration d’une dynamique économique et sociale initiée par des migrants, et qui a perduré depuis deux siècles.
Puis on s’est intéressé aux populations européennes qui ont traversé la Méditerranée depuis le milieu du XIXème siècle pour contribuer à la mise en valeur du Maghreb. Relatant dans un ouvrage mémoriel des « histoires de vie » au sein de la grande « Histoire », Frédérique GHAURI OLIVIER a retracé le parcours de ses aïeux venus du Bade Wurtemberg pour faire souche en Algérie puis Tunisie, et qui ont constitué avec les populations locales une culture singulière, qui a perduré jusqu’aux indépendances et même après. L’attachement ainsi forgé a été si fort que plusieurs des membres de la famille, rapatriés dans les années 1960, ont voulu être enterré dans les lieux où ils avaient grandi et vécu de l’autre côté de la Méditerranée. On a ici une illustration de la puissance des liens affectifs qui se tissent dans des communautés qui ont vécu en bonne intelligence autour de projets de développement clairement affirmés et poursuivis dans la durée.
Le professeur Yvan GASTAUT, de l’Université de Nice, revenant sur les mouvements migratoires qui ont marqué l’histoire de la Méditerranée a montré combien le regard porté sur le « migrant » a dépendu des lieux, des époques, des circonstances, etc., et combien aussi ce regard a pu évoluer suivant que ce « migrant » a été bien intégré ou pas dans les populations qui l’ont accueilli. Il a incité ainsi à prendre du recul face aux afflux migratoires contemporains, plus précisément à relativiser les jugements que l’on peut avoir sur les populations qui débarquent sur nos côtes ou traversent nos frontières, et sur les cultures qu’elles apportent avec elles.
Ensuite, une table ronde consacrée aux enjeux contemporains a réuni le professeur Yvan GASTAUT, Monsieur Auguste DERRIVES, président du Collège International de Cannes (fondé en 1931 par Paul Valéry pour familiariser les étudiants étrangers avec la culture française), et Monsieur Claude SEGUIN, en charge de l’accueil des migrants au diocèse de Nice. Il a notamment été rappelé que les flux migratoires qui atteignent aujourd’hui l’Union Européenne se chiffrent à quelques centaines de milliers par an, et représentent une toute petite proportion de la population de l’UE. Il a été également rappelé que si l’on se donne les moyens de former correctement les populations migrantes et de faciliter leur emploi dans l’économie, les tensions sont fortement réduites.
Madame Michèle GENDREAU MASSALOUX, revenant sur l’ensemble des contributions de la journée et en tirant les enseignements, a montré combien la problématique des migrations est liée aux capacités à « faire société ». Il s’agit pour les migrants comme pour ceux qui les accueillent de se rencontrer dans une démarche de reconnaissance mutuelle. Avec cette acceptation mutuelle de l’Autre, les tensions se dissipent. Ainsi, petit à petit, se constituent des cultures singulières, mêlant des apports complémentaires, au travers desquelles progressent et évoluent les sociétés humaines.
Madame Laurence TRASTOUR ISNARD, Députée de la Nation et adjointe au maire de Cagnes, est venue clôturer le colloque, qui, selon les mots de Jean-Éric AUBERT, président de l’UIM, a réintroduit les sciences humaines et sociales comme champ d’études au sein de l’organisme, un champ présent à ses débuts, mais disparu au fil des ans. Il conviendra de le cultiver dans les années à venir.
la présentation de Madame Isabelle PINTUS : ici